Violences conjugales : prévenir et agir pour aider les victimes !

Les violences conjugales sont une préoccupation majeure depuis plusieurs années, avec une prise de conscience croissante de l’ampleur du problème. En 2021, 208 000 victimes de violences conjugales ont été recensées en France1. C’est pourquoi il est nécessaire de sensibiliser les populations pour aider à prévenir et identifier ces situations afin de mieux agir face à celles-ci. 

 

Comment différencier conflit conjugal et violence conjugale ?

 

Comment s’exprime la violence conjugale ?

Peut-on parler de violences conjugales si l’auteur et sa victime ne sont pas mariés ?

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Entretien avec Amélie Lasgi, ancienne bénévole chez Femmes Phoenix

  • Pour commencer, il faut bien comprendre la notion de violences conjugales. Il faut faire la différence entre le conflit de couple (dispute, mésentente, désaccord) qui peut se dérouler avec des paroles fortes et claquements de portes. Dans ce cas, le pouvoir porte sur la situation. Chacun est libre d’exprimer ses opinions.

    On parle de violences conjugales lorsque le conflit est en déséquilibre. Il y a une personne qui prend le dessus sur l’autre. Il y a une dynamique, un cycle qui vise à réaffirmer la domination sur l’autre. La victime ressent de la peur, de la honte, de la culpabilité, du doute.

  • On ne naît pas violent. On le devient. L’auteur de violences conjugales aura, dans la majorité des cas, développé un profil d’attachement insécurisant lié à la relation avec ses parents. Souvent issu d’une famille violente où les parents sont défaillants, l’enfant développe un attachement insécuritaire d’évitement ou ambivalent. Il fait alors preuve de difficulté à gérer et canaliser ses émotions, notamment les émotions négatives (peur, colère). Ils montrent une jalousie exacerbée voire pathologique. Une personne auteure de violences conjugales aura été elle-même, durant son enfance, témoin ou victime de violences. Le modèle familial reçu étant celui de comportements violents, il sera reproduit à l’âge adulte.

    L’addiction est une conséquence de la défaillance des parents dans le système éducatif et d’éveil émotionnel de l’enfant. Ce n’est pas une cause des violences conjugales. Tous les dépendants ne deviennent pas violents. En revanche, c’est un facteur aggravant, exacerbant des violences. Sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiant, un auteur de violences ne saura pas canaliser sa colère.

  • Il peut y avoir plusieurs raisons à cela.

    Tout d’abord, le déni. Les violences ayant lieu au sein du couple, les sentiments peuvent voiler la face de la victime. Souvent, le conjoint ayant relaté son enfance difficile avec ses parents défaillants, la victime se positionne en sauveur dans la relation. De ce fait, l’auteur de violence sera pour elle, la victime à sauver.  Ce statut de victime de violences conjugales est difficile à admettre et à reconnaître. Le processus d’acceptation peut être long.

    Ensuite, il y a aussi la peur. Les auteurs de violences conjugales usent souvent de menaces (menaces de mort, chantage au suicide, violence envers les objets, les animaux).

    Parmi les raisons qui empêchent les victimes de partir, on trouve l’isolement. Il est très fréquent qu’une victime de violences conjugales soit éloignée de sa famille, de ses amis par son conjoint. A cela peut s’ajouter la dépendance financière au sein du couple. Sans personne vers qui se tourner et sans argent, il est difficile de partir.

    Dans les cas les plus graves de violences conjugales, les victimes se retrouvent en état de sidération. C’est le cas lors des viols notamment. Le corps produit un état d’anesthésie émotionnelle et physique. C’est la dissociation. Il est prouvé que ce mécanisme de défense empêche le corps de lâcher. Sans cette protection, la violence est telle qu’une crise cardiaque se produirait. Cet état empêche la victime de réagir de façon adaptée.

    Dans tous les cas et sous toutes les formes de violences conjugales, la victime porte honte et culpabilité. Ces sentiments sont des freins pour chercher de l’aide.

    Dans la plupart des cas, les victimes de violences conjugales partent quand il y a des enfants et que ces derniers deviennent la cible de l’auteur des violences.

  • Il peut être difficile de reconnaître une victime de violences conjugales. La honte et la culpabilité font que les victimes se cachent très bien du regard des autres. De plus, en fonction du type de violences subies, c’est d’autant plus compliqué. Un coup marque la victime. Une emprise psychologique ou financière est plus subtile à déceler, d’autant que l’auteur manipule sa victime.

    Il peut cependant y avoir des signes à prendre en compte. Un état dépressif, un renfermement sur soi, des alibis peu convaincants (la chute dans les escaliers, la porte de placard dans le bras…).

    En revanche, si une victime se confie ouvertement, il faut avant tout l’écouter. La première chose à lui dire est :  « je te crois ». Cette simple phrase va permettre à la victime d’être en confiance, de ne pas se sentir jugée. Il est important qu’elle se confie afin de pouvoir l’aider au mieux.

  • Si je suis victime de violences conjugales, la première chose à faire est d’en parler. Il faut se confier pour trouver de l’aide. Un parent, un ami, un collègue, un médecin. Il existe beaucoup d’associations d’aide aux victimes qui peuvent proposer des accompagnements. Si la vie est menacée, il faut partir en urgence et se diriger vers la Police ou la Gendarmerie. Il existe des numéros de signalement : le 17 (en cas d’urgence), le 3919  (numéro d’écoute national d’aide aux femmes victimes de violences), le 114, à l’attention des personnes sourdes et malentendantes, le 116 006 numéro d’aide aux victimes. Il est possible de communiquer avec un gendarme par internet : https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/contact/discuter-avec-un-gendarme

    Dans tous les cas, il faut comprendre que lorsqu’on est victime de violences conjugales, on n’est pas coupable. Le coupable, c’est l’auteur. Se sortir de violences conjugales, ce n’est pas seulement quitter le domicile et déposer plainte. Il faut se faire aider pour se reconstruire. Les victimes ont généralement perdu confiance et estime de soi.  Sur le plan psychologique, il y a besoin de temps et une aide professionnelle est indispensable. Il est important de s’entourer de personnes compétentes.

    Si une victime vient se confier à moi, je dois d’abord l’écouter. Il est essentiel de tendre l’oreille sans juger ni remettre en question le récit. Il faut valoriser le courage dont la victime fait preuve en osant en parler et insister sur le fait qu’elle n’est pas coupable de ce qui lui arrive. Il faut expliquer qu’elle n’est en aucun cas responsable des actes de son agresseur. En revanche, il est fort probable que la victime minimise les faits. Il faut alors expliquer ouvertement que la violence au sein du couple est illégale et que la situation n’est pas normale. Il faut ensuite être à l’écoute de ses besoins et respecter sa volonté afin de ne pas se montrer trop directif. Il peut être surprenant qu’une victime se confie et reparte ensuite auprès de son conjoint. C’est pourtant un schéma classique. Il faut du temps pour s’en sortir et couper les liens d’emprise. Il est donc important pour le témoin de rester à l’écoute de la victime, quels que soient ses choix.

    Il faut orienter la victime vers les associations d’aide aux victimes de violences conjugales telles que le CIDFF (Centre départemental d’information des droits des femmes et des familles), France Victimes ou toute autre association locale. Si elle souhaite déposer plainte, il convient de lui proposer de l’accompagner au poste de Police ou à la Gendarmerie. Si elle ne souhaite pas faire cette démarche, il faut lui proposer de rédiger un témoignage des faits relatés. Ainsi, en cas de dépôt de plainte ultérieur, le récit pourra servir d’appui.

  • Non, les enfants ne sont pas systématiquement retirés du foyer. Généralement, la victime arrive à partir avec les enfants. Il convient alors de contacter un avocat afin de saisir le Juge aux Affaires Familiales (JAF) en urgence. Il est possible de faire délivrer une assignation « en référé » (décision non-définitive qui n’empêche pas le conjoint de saisir de nouveau le JAF) ou une assignation « en la forme des référés » (décision définitive qui pourra cependant faire l’objet d’appel de la part du conjoint). L’assignation en la forme des référés permet aussi d’obtenir une ordonnance de protection.

    Si la victime a déposé plainte ou que son dossier fait mention de violences conjugales, surtout devant les enfants, le droit de visite du parent auteur peut être suspendu. Cette décision n’est pas systématique. Le JAF définit le droit du parent violent en fonction de l’intérêt de l’enfant.

Les contacts à retenir :